Jean Guidoni
l'interprète
Il est né à Toulon en 1951
et y débute en 1968, lors d'un gala à l'Opéra
au côté de la grande André Turcy. Mais Marseille
l'appelle avec son attrait portuaire et ses rues chaudes. Il y
est coiffeur rue Thubaneau, spécialisé dans la clientèle
des filles et des marlous. Sa jolie voix, tant prisée des
clientes, l'entraîne dans la capitale où, en 1976,
il échappe définitivement à la mise en plis
en entrant dans l'écurie des Editions Michel Legrand où
travaille son futur mentor Marcel Rothel.
Ce dernier lui fait faire ses premiers pas en compagnie de Francis
Lemarque, Marie-Paule Belle et Serge Lama.
Premières tournées et premiers disques dans l'ombre
et la manière de ces artistes. Un Jean Guidoni charmant
et policé voit s'ouvrir à lui une carrière
toutes tracée de chanteur de charme un peu décalé,
juste ce qu'il faut, car il n'admire rien tant que fart majeur
de Catherine Sauvage avec qui, un temps, il partage la scène
d'un cabaret.
Brusquement en 1977, une fracture s'opère en lui lorsqu'il
voit et entend Ingrid Caven au cabaret Pigall's, interpréter
le répertoire écrit pour elle par Rainer Werner
Fassbinder.
ll s'enquiert du nom de l'adaptateur de ces chansons en français
: un certain Pierre Philippe. Il le cherche, le rencontre et le
persuade d'écrire à son intention des chansons dans
la lignée de celles de la Caven.
Un nouveau jean Guidoni naît alors, qui apparaît pour
la première fois sur la piste du Théâtre en
Rond en 1980 : un chanteur noir et tourmenté, ricanant
et blessé, tirant à bout portant sur ses premiers
fans la mitraille d'une inspiration morbide et cruelle, excessive.
Son premier disque où se distinguent "Je marche dans
les Villes" et "Djemila" est couronné par
l'Académie Charles-Cros.
Chanteur pour happy few Jean, gravit cependant avec décision
toutes les marches de la reconnaissance publique : galas, télévisions,
et l'inévitable Olympia.
Mais c'est sa création de "Crime Passionnel"
en 1982, dans le cadre somptueux et ravagé des Bouffes
du Nord qui marque son accession au statut de héros de
la chanson la plus exigeante sous le double signe de la musique
d'Astor Piazzolla et de l'inspiration de son parolier attitré.
Suivront trois albums=.: "Le Rouge et le Rose", "Olympia
83" et "Putains" en 1985.
C'est alors que Jean Guidoni et Pierre Philippe s'éloignent
l'un de l'autre, terminant provisoirement leur collaboration avec
un spectacle au Cirque d'Hiver en 1986.
Dès lors, Jean Guidoni suit un chemin sinueux, s'essayant
à diverses formes, testant auteurs et musiciens, écrivant
lui-même son répertoire tout en n'abandonnant jamais
celui de ses récents débuts. Un public fidèle
l'applaudit à l'Auditorium des Halles, de nouveau à
l'Olympia, à l'Européen. C'est un habitué
des Francofolies de La Rochelle et de Montréal, une idole
pour initiés, l'objet d'une étude de Colette Godard
parue chez Seghers. Il est à la fois peu connu et très
célèbre et "Le Monde" n'hésite
pas à titrer un article le concernant : "L'Honneur
de la Chanson Française".
En 1996, jean Guidoni tente de se concilier un nouveau public
: il présente au Casino de Paris un spectacle en compagnie
de Michel Legrand mais, après cette tentative oblique,
reprend sa ligne originale à la Manufacture des OEillets
et à l'Européen de ses débuts.
C'est là qu'il retrouve en 1997 Pierre Philippe après
un éloignement de dix ans. Les deux hommes ont changé,
mûri, et sont cependant demeurés, malgré cela,
fidèles et désireux de reprendre une voie commune.
Celle-ci a pour première étape, en 1999, une "Fin
de siècle" que Jean crée au Théâtre
Sylvia Monfort, en une retrouvaille heureuse avec ce public qui,
comme l'écrit l'auteur : "attend de jean Guidoni beaucoup
plus qu'un tour de chant".
Un succès donc, et qui mène tout naturellement les
deux complices réconciliés à envisager des
projets pour le nouveau siècle.
En attendant, Jean Guidoni, symboliquement, recrée ce "Crime
Passionnel" qui fut pour lui beaucoup plus qu'une étape,
peut-être la prise de conscience de la singularité
de sa carrière, son climax précoce et son point
de ressourcement.