ASTOR PIAZZOLLA
le compositeur
II est né en 1921 à Mar del
Plata et, à l'âge de quatre ans, émigre avec
sa famille à New York, dans un Greenwich Village encore
pauvre et livré à la Mafia. Son père, coiffeur,
lui achète son premier bandonéon dès qu'il
est en âge de le tenir et, désormais, la musique
devient sa seule religion. Comme un signe, il rencontre en 1935
l'immense Carlos Gardel en tournant à son côté
le rôle d'un petit marchand de journaux dans le film "El
dia que me quieras".
Mais le jazz, évidemment, fait partie intégrante
de sa culture native. Cependant, c'est sous le signe de la pure
musique de tango qu'il revient en Argentine où, à
partir de 1939, il commence une brillante carrière de bandonéoniste
avec les meilleures formations de l'époque. C'est en jouant
"Rhapsody in Blue" sur son instrument qu'il séduit
le grand Anibal Troilo dont il devient, durant cinq ans, le musicien
et l'arrangeur.
Mais il veut échapper à l'étroit carcan du
genre. Il étudie alors le classique avec Alberto Ginastera
et songe à écrire de la musique "sérieuse".
C'est chose faite avec sa "Symphonie Buenos Aires" qui
déclenche un scandale lors de sa création en 1953.
Astor persiste, il gagne Paris où Nadia Boulanger l'accueille
parmi ses élèves. C'est elle qui l'obligera pourtant
à réintégrer sans honte le monde du tango
en découvrant que son studieux élève est,
dans son pays, un musicien reconnu et fêté.
Son destin est alors tracé : il sera le plus grand tanguiste
de son temps mais en introduisant dans ce genre musical ancien
la dissonance, l'harmonie chromatique et des rythmes influencés
par les autres formes de musiques populaires ou savantes. Innovations
qui le mettent durant toutes les années suivantes dans
une position marginale au sein de la musique nationale et provoquent
le rejet des puristes.
Sa rencontre avec le poète Horacio Ferrer marque un tournant
décisif. Ensemble, ils composent l'opéra "Maria
de Buenos Aires" pour Amelita Baltar avant de rencontrer
le succès avec des chansons comme "Ballade pour un
Fou", "Ballade pour ma Mort" ou "Chiquilin
de Bachin" qui feront le tour du monde.
Tour du monde qu'Astor entreprend avec opiniâtreté
au début des années 70. II séduit Gerry Mulligan
et Gil Evans, Gary Burton et Lalo Schiffrin; les cinéastes
le pressent de composer les partitions de leurs films. Une véritable
traînée de poudre qui le mène à la
chanson française (Georges Moustaki, Julien Clerc, Guy
Marchand), au ballet, au théâtre, à toutes
les formes connues de la musique instrumentale.
Le moment où commencent à se répandre ses
plus belles pages, où son "Libertango" devient
un tube par la voix de Grace Jones et où son "Adios
Nonino" s'inscrit à jamais comme l'une des mélodies
les plus célèbres du siècle.
C'est à la fin de cette décennie triomphale qu'il
rencontre l'équipe formée en 1980 par Jean Guidoni
et son parolier Pierre Philippe.
Après un essai, "Tout va bien ", créé
à l'Olympia en 1981, Pierre Philippe et lui composent un
"Opéra pour un Homme seul" pour jean Guidoni.
Et c'est "Crime Passionnel" qui sera créé
aux Bouffes du Nord en 1982.
La montée en puissance de la musique d'Astor Piazzolla
s'affirme jusqu'à ce jour tragique de 1990 où il
tombe, à Paris, frappé d'une commotion cérébrale.
Il ne mourra cependant qu'en 1992, dans cette Argentine qui l'
avait si longtemps refusé et qui le vénère
désormais à l'égal des plus grands.
Désormais, sa gloire s'enfle et se propage avec la force
d'une évidence. Les plus grands ensembles, les plus grands
interprètes l'inscrivent à leur répertoire.
Il faut dire que leur travail est aisé : Astor Piazzolla,
musicien génial et prolifique, nous a laissé plus
de sept cent cinquante compositions.
Mort, il est devenu ce qu'il n'avait jamais cessé souhaiter
: être à la musique populaire argentine ce qu'était
Georges Gerschwin à celle des Etats-Unis, Bela Bartok à
celle de Hongrie, Kurt Weill à celle d'Allemagne et Heïtor
Villa-Lobos à celle du Brésil.
C'est à dire un musicien qui parle à tous les hommes
de la planète.